Initialement, le programme était simple : François va bosser le matin, pendant que je reste à l'apart pour bosser également, et des ouvriers doivent venir en cours de matinée pour monter un bar dans le grand salon (en vue d'une importante réception avec des clients que François doit tenir le soir même, qui fait aussi guise de crémaillère de son apart).
Dans la pratique, on est en Afrique. Sur la matinée, les mecs sont effectivement arrivés le matin, mais ont semblé découvrir le boulot en arrivant sur place. Apres tout, François leur avait juste donné les plans détaillés 15 jours avant. La veille, ils étaient venus prendre des mesures. Et oui, les gars du coin ont dû mal à comprendre les plans. Donc en dépit de leurs propres mesures, ils sont arrivés avec des morceaux de bois pas à la taille, il a fallu les installer sur la terrasse, ils ont commencé à ramener leur matériel, couper, poncer, dégueulasser tout au long de la journée la terrasse, puis le salon. À midi, ils devaient avoir fini, et dans les faits, il n'y avait même pas la première planche de posée. A 14h, ça commençait à ressembler à quelque chose, à 16h, devant le manque de temps, ils avaient produit une version approximative du bar, plus courte d'un mètre que prévue, sans les étagères, pas la bonne taille. Bref, François n'était pas content.
Ca a quand même de la gueule.
Il faut ici saluer le boulot de la femme de ménage et de sa fille qui ont décrassé l'apart avec une efficacité exemplaire. Le traiteur a livré ses plats à l'extrême limite, et au final, les invités ont été enchantés de la réception, de la déco, et de sa soirée dans l'ensemble. Il faut reconnaître que François sait recevoir, et la taille conséquente de son logement y fait beaucoup. 200m2 d'appartement, autant de terrasse, au 7ème étage avec vue panoramique sur Abidjan, le tout pour en gros 2000€ par mois. Essayez d'avoir ça dans une capitale européenne. Pour ceux que ça intéresse, on peut trouver des logements franchement sympas autour d'Abidjan pour 600/700€ mensuels. Savoir que loger ici implique le plus souvent la présence d'une femme de ménage et d'un gardien permanent. Pour l'expatrié, ça ne coûte pas cher. Pour le local, c'est un emploi plutôt correct, compte tenu du niveau de vie local. C'est assez ahurissant de mon point de vue, mais François m'explique qu'il est plutôt généreux. Il paye les taxis, peut parfois donner l'équivalent d'un mois de salaire pour des activités renforcées (genre le ménage d'après Fiesta), lâche toujours un peu de billets en rab' pour la qualité du service. A comparer aux autres expatriés que j'ai pu voir, il entretient une relation bien plus forte que la moyenne avec les Ivoiriens, qui le lui rendent bien.
Petite parenthèse, il a fallu durant l'après-midi faire un crochet pour acheter du vin pour la soirée, et un peu de matériel électronique (une carte SD, des câbles pour la chaîne Hi-Fi...), ce qui m'a amené à me retrouver dans des endroits assez improbables, dont un où je n'aurai pas osé pénétrer si je n'avais été accompagné par quelqu'un connaissant les lieux.
Le premier est simplement un supermarché Top Budget. Vous savez, la marque bas prix qu'on trouve chez nous en grande surface. Engoncée dans un bâtiment tout pourri, au milieu d'une circulation chaotique, comme d'habitude.
J'ai moyennement confiance...
Des gardiens, reconnaissables à leur t-shirt jaune (code couleur qui se retrouve de partout, y compris pour les gardiens de notre immeuble) nous font signe, indiquent les places libres, aident à la manœuvre pour se garer et viennent t'ouvrir la porte. Ça continue de me surprendre quand ça arrive. Le magasin, vu de l'extérieur, n'a absolument rien de glamour. Comme souvent, il ne faut pas s'arrêter sur les extérieurs. Une fois entré, je découvre avec stupeur une sélection de vins de qualité, très importante. Tout y est, comme chez nous, même des petits vins qu'on aime bien ma femme et moi. J'en prends d'ailleurs des photos, tellement c'est inattendu pour moi.
Le service, une fois encore,est irréprochable. Un petit gars se démène pour nous trouver les caisses, nous les emballe, nous les charge et je constate qu'il y a vraiment un employé à chaque rayon prêt à sauter sur le client qui a besoin de quoique ce soit. Autre truc marrant à la caisse, il y a là 3 employées. Une qui bippe les articles, une qui "supervise" le travail de la première. Quant à la troisième, j'essaie encore de trouver sa fonction, autre qu'être assise sur le tapis où l'on pose les courses à ne rien faire. Seuls les salaires et le niveau de vie extrêmement bas, comparé à l'Europe, peuvent permettre l'emploi d'autant de personnels. La majeure partie du temps, il doit y avoir plus d'employés que de clients dans le magasin.
Bref, nous sortons. Nos courses sont de nouveau prises en charge par un employé, tandis que, comme à l'arrivée, un gardien va arrêter la circulation pour nous permettre de partir, à grands renforts de coups de sifflets inutiles, mais énergiques. Direction notre seconde destination, la plus inattendue des 2.
La rue 17, comme elle s'appelle, consiste en un espèce de rez-de-chaussée de bâtiment bétonné, pas entretenu, composé d'allées très étroites, où les marchands de tout poil tiennent une myriade de stand d'un mètre de long, dans des coursives basses de plafond, étouffantes et surchargées de monde. Dans tout film occidental d'espionnage en pays exotique, il y a cette scène de course poursuite où le héros pourchasse les méchants dans un cadre similaire, bousculant tout le monde, virant héroïquement de droite à gauche en connaissant miraculeusement son chemin. Voilà le genre d'endroit.
A l'arrivée, un type, inconnu au bataillon, s'octroie le même rôle que les gardiens de parking des supermarchés. Il nous indique une place, bloque la circulation, nous aide à nous garer et nous accompagne pour nous guider. Comprenant qu'on ne lui achètera rien, il disparaît au détour d'une allée. On trouve sans problème le matériel demandé. De ce côté là, on trouve sans souci ce qu'on recherche en Côte d'Ivoire, pour des prix pas très éloignés des nôtres. A la sortie, l'individu nous retrouve comme par hasard (en fait, il ne nous avait jamais perdu de vue), et nous reconduit à la voiture, aidant la sortie de la même manière que l'arrivée. Il obtiendra un pourboire en remerciement. C'est bien ce qu'il espérait. La gentillesse et le service, et la discrétion pendant nos achats, méritent amplement qu'on l'en récompense.
J'ai aussi pu constater que parfois les gérants de magasin ne sont guère au courant des modalités de paiement. Je m'explique. Ici, la monnaie est le franc CFA. 1€ = 655 CFA, en gros. Mais la Côte d'Ivoire utilise aussi un code monnaie qui s'appelle XOF. En clair, les chèques sont habituellement libellés en XOF ou en CFA, c'est égal. A priori, la patronne du top budget n'a pas été informée de la chose. Et comme on marque ici au dos de ses chèques son numéro de téléphone, cela permet au magasin de te harceler jusqu'à ce que tu cèdes. Du coup, la madame a appelé tant et si bien qu'il a fallu retourner la voir, lui régler la somme en espèce, parce qu'elle était convaincue que XOF signifiait faux chèque. Elle a appelé trois jours durant quand même...
Bref, tout était réglé, de justesse, mais quand même. Les invités commencèrent à arriver, ce qui me donnera l'occasion de consacrer mon prochain article aux expatriés et à leur façon de vivre ici.
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