J'ai bien dormi, mais pas beaucoup. Une petite heure de décalage horaire, et le fait que j'avais bien dormi dans l'avion, ont fait qu'à 5h45, je suis debout. François est déjà debout, hagard, café dans une main, clope dans l'autre. Il bosse ce début de semaine. Ça tombe bien, moi aussi. Il me laisse donc à l'apart' en me précisant que dans la matinée, Béatrice, la femme de ménage, puis Fatou, son intendante (j'y reviendrai), doivent passer.
Ma foi. Pas de souci, je sais ouvrir une porte. Mais c'est l'Afrique, et les plannings se déroulent rarement comme attendus. Effectivement, Béatrice arrive, mais pas seule. Avec elle, il a deux bonshommes qui viennent changer les climatiseurs défaillants du salon. Je leur explique qu'il n'y en a qu'un sur 2 en rade. Mais je vais apprendre que les Ivoiriens poussent souvent le zèle à l'excès : on leur a dit d'en changer 2, alors ce sera 2. On leur a donné des modèles moins efficaces, qu'il en soit ainsi.
Je vais aussi apprendre que question anticipation, les gars ne sont pas du tout au point. On a souvent dit, et je ne trouve pas ça très sympa, que les Africains sont de grands enfants. Mais dans le cas de ses ouvriers, on a vraiment ce sentiment. Ils ont oublié un truc, ils vont repartir, tous les 2, sans qu'on les voie, et revenir... 3h plus tard. Ironie de la chose, ils n'ont changé qu'un seul climatiseur sur 2, celui qui marchait bien ! (Remplacé par un autre moins puissant, si vous avez tout suivi).
Dans la cuisine, je dois me battre avec Béatrice pour avoir le droit de laver mon assiette de midi. Sur ces entrefaites arrive Fatou. Fatou, c'est l'intendante de François. Il l'a rencontrée par hasard quand il cherchait son logement, et de fil en aiguille, c'est elle qui est désormais en charge de la plupart des tâches pratiques. Il faut trouver des ouvriers, des peintres, un traiteur, trouver la bonne personne pour faire une tâche, c'est Fatou qui gère, et qui assure le suivi. Une femme super sympa, dynamique. Comme tous les Ivoiriens du pays que j'ai rencontré en 24h, elle partagé cette bonne humeur communicative typique des habitants.
Seconde action du jour, quitter enfin l'appartement pour aller faire quelques courses. Rien d'exceptionnel en soi, mais je ne suis pas venu pour la carte postale. C'est un bon moyen de voir comment vivent les gens. La circulation est toujours aussi bordélique, mais j'apprends avec stupeur que François n'a jamais esquinté une bagnole ici. Quand on sait que 80% des conducteurs n'ont pas le permis, ça tient du miracle.
Ci-dessous, quelques vues depuis la terrasse de l'appartement de François. Pour vous donner une idée, le quartier correspondrait au 15è arrondissement parisien. C'est dire la différence de standard.
Le truc qui frappe ici, c'est vraiment cette alternance d'immeubles en construction, finis, pas finis, délabrés, pas entretenus, récents, et habités où squattés d'une façon ou d'une autre. Il fait tout le temps chaud, la notion de confort et d'habitation est très différente de chez nous.a quelques rues de l'immeuble, on s'arrête devant un immense gaillard habillé de noir. Il est vendeur de charbon. En quelques phrases très simples, François passe sa commande qu'il récupérera au retour. L'argent change de main, la confiance est là. Ici l'argent c'est sacré. Quand on paye pour un truc, on l'a. Pas toujours exactement à l'heure qu'on voulait, mais on l'a. J'interroge François sur le ton assez péremptoire qu'il a employé avec le vendeur. Il m'explique qu'il y a beaucoup de dialectes ici, et quand les habitants parlent peu le français, il faut limiter le vocabulaire pour se faire bien comprendre. Cette différence d'éducation et de parler entre blancs et noirs me met mal à l'aise. Comprenez moi bien. En tant que français, avec notre histoire de colonisation, je n'ai aucune envie de donner l'impression de faire preuve d'une quelconque démonstration de supériorité de race ou de culture. Nous sommes égaux en tôt, et les marques de déférences presque soumises de la part des habitants me donnent le sentiment de cautionner une certaine forme de racisme. Mais à ce qu'il semble, il s'agit de respect, d'hospitalité, et oui, bon, d'un certain héritage de l'ancien temps. Mais il n'y a pas de supériorité idéologique, juste des positions différentes, souvent entre l'employeur et l'employé, entre celui qui a de l'argent et celui qui peut en gagner en étant serviable. Tout le monde joue le jeu et ça ne semble pas se passer si mal. Encore une fois, je ne vois la chose que par un bout de la lorgnette. Il me manque sûrement des infos.
Toujours est-il que j'essaie de montrer ma reconnaissance chaleureuse à chaque geste de gentillesse, et que je prends garde à être généreux et ouvert en retour. C'est bien la moindre des choses.
Continuant la route, je découvre les mini établissements des boutiquiers. Dans ces petits magasins, on trouve de tout en vrac, notamment les cigarettes et les boissons. François à ses habitudes chez l'un d'eux. Encore un peu de route, et nous arrivons à un centre commercial. Là, d'un coup, on se croirait revenu en France. C'est la configuration type grande surface + galerie marchande. Les enseignes sont connues : Kiabi, Minelli, Orange... Les produits sont étonnamment les mêmes que chez nous. Entre les échoppes d'avant et ce magasin, on fait le grand écart, du dépaysement total au retour dans des chemins connus. Çe ne sera pas la dernière fois que j'aurai cette impression.
En caisse, je regarde avec stupeur un type enchemise verte nous interpeler. Nous nous dirigeons vers sa caisse. Pendant que la caissière encaisse, lui décharge les courses, les met sur le tapis, les remballe dans des cartons, les remets dans le caddie et t'attend pur t'accompagner à la voiture. De là, il te met les courses dans le coffre et va ranger le caddie. Tu peux lui filer un pourboire, ou pas. C'est un employé de la grande surface, il est payé (au tarif d'ici) pour proposer ce service. Il en va de même dans de très nombreux magasins "à l'européenne".
Les rues au pied de notre immeuble.
De retour par les routes défoncées, nous récupérons le charbon en vue du barbecue du vendredi soir (le surlendemain) et retournons à la maison. Un des vigiles nous accueille, nous guide pour garer la voiture, prend nos courses, les monte. François le remercie d'un bon billet. A l'intérieur règne un joyeux bazar. Il faut savoir que François reçoit le vendredi tout un parterre d'invités, qui sont autant de potentiels clients. La décoration de l'apart bat son plein. Des gars sont en train d'accrocher de tableaux fait spécialement pour Icî, les menuisiers qui devaient venir monter un bar depuis 15 jours ne sont toujours pas là, les climatiseurs sont changés mais tout est en bordel autour, et pour finir, on attend toujours l'installateur internet qui devait passer demain sans faute il ya 10 jours. Ce dernier passera vers 19h, expliquant qu'il n'avait pas le nom du bon immeuble et qu'il cherchait 2 pâtés de maison trop loin. François leur explique, non sans humour, que c'est pour ça que des panneaux indiquant les noms des rues, c'est quand même bien pratique. Excuses acceptées, le gars du net dit qu'il passera demain sans faute.
Sans faute
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